19/10/2015
Mais c'est de la gonflette ça !
"Mais c'est de la gonflette ça !" On a tous entendu cette phrase au moins une fois dans sa vie. Si vous restez naturel, vous ne risquez pas de devenir un monstre de foire, mais avec de l’assiduité, vous risquez d'être certainement bien plus athlétique que la moyenne de la population et d'attirer quelques jalousies ou remarques génantes. Il y aura aussi le type qui vous dira qu'il connaît le cousin d'un ami à son beau-frère qui fait de la musculation et qui est « au moins deux fois plus gros que toi ». Si vous avez la possibilité de lui mentir, dites lui que vous ne faites que « courir deux fois par semaine, et quelques pompes », car la « gonflette », c'est pas votre truc. Mais ne prêtons pas trop attention aux propos du vieil oncle Gérard qui soutient fermement qu'il « pouvait les lever avec la queue ces poids là ! » (il paraîtrait qu'Alain Soral, lui, le peut toujours) et tâchons plutôt de comprendre d'où vient ce terme de « gonflette ».
Dans l'esprit de beaucoup de gens, il existerait un type de muscle volumineux mais sans force, que l'on qualifierait de « gonflette », et un type de muscle « fort », des muscles « de travailleurs » (ou de rugbymen si vous voulez).
Évidement la réalité est souvent plus complexe et nuancée (tiens d'ailleurs, tu es pour la Russie ou pour l'Ukraine ? Lol je déconne).
Physiologiquement parlant, il existe bien plusieurs types de fibres musculaires, et plusieurs types d'hypertrophies musculaires. Nous allons les évoquer sans rentrer dans les détails, mais précisons avant tout qu'il s'agit là des informations globalement admises et enseignées dans les formations d'éducateurs sportifs et STAPS. C'est donc probablement proche de la réalité, mais toujours sujet à controverse ou à d'éventuelles nouvelles découvertes.
Ensuite, nous essaierons de nous mettre à la place des profanes pour comprendre la naissance du mythe, s'il en est, de la « gonflette ».
Muscles gonflés et muscles forts (rappel anatomique – c'est la partie chiante) :
Un bon point pour le mythe de la gonflette, en effet il existe bien dans nos muscles des fibres spécifiques pour la force, que l'on appelle les fibres blanches (ou 2B), ou encore fibres rapides. Elles utilisent une filière énergétique appelée « anaérobie alactique ». À l'opposé, on trouve les fibres rouge de type 1, très alimentées en oxygène par la filière aérobie et qui sont les fibres de l'endurance. Entre les deux, des fibres intermédiaires 2A, alimentées par la filière « anaérobie lactique », qui répondent bien au travail de musculation de type culturiste.
En revanche, ce sont bien les fibres blanches « de force » qui ont le plus gros diamètre (désolé Alain) ; donc la gonflette ça ne se passe pas à ce niveau.
En réalité c'est en ciblant le travail de manière différentes sur la fibre musculaire elle-même que l'on peut atteindre différents types d'hypertrophie : L'hypertrophie des myofibrilles, qui est une augmentation de la taille des fibres musculaires (éléments contractiles) et l'hypertrophie du sarcoplasme, qui est l'augmentation de la taille des différents éléments qui entourent la fibre.
Pour être forts, il est donc nécessaire d'avoir des fibres rapides développées (et nombreuses, mais ça c'est surtout une question de gênes), mais ce n'est pas tout, la force c'est aussi une question de système nerveux. C'est pour cette raison qu'un débutant va très vite progresser en terme de force sans forcement créer beaucoup « de viande ».
Bien sûr ceci est assez schématique car on parle aujourd'hui de fibres roses, ou de fibres qui peuvent, avec le temps et l’entraînement, changer de fonction/nature. On parle même d'hyperplasie, c'est à dire d'augmentation du nombre de fibres musculaires (ce qui reste dans tous les cas marginal, à mon avis).
Ce que voit l'oncle Gérard
Ce que voit le profane, c'est tout d'abord un aspect musculaire différent chez le sportif de force (haltérophilie, ou rugby par exemple) et le culturiste. Ce qu'il voit aussi, c'est que les culturistes peuvent parfois s’entraîner avec des poids légers et rechercher un effet de « pump/pompe », de congestion, et donc quelque part de « gonflette ».
Si les sportifs de force et les culturistes ne se ressemblent pas c'est tout simplement qu'ils n'ont pas les mêmes objectifs, et c'est pour la même raison que leurs entraînements diffèrent. Il y a cependant de nombreux culturistes qui ont commencé par pratiquer la force ou qui la pratique encore périodiquement dans leurs programmes. Pour se bâtir une certaine masse musculaire, même dans un but purement esthétique, il aura fallu lever des poids, et pour continuer à progresser il aura fallu augmenter ces poids de plus en plus, c'est le principe de surcharge progressive qui est un paramètre important de la progression. Les photos ou vidéos qui montrent des culturistes les représentent la plupart du temps avant les compétitions, lorsqu'ils sont le plus « secs », donc sous-alimentés et qu'ils doivent s’entraîner avec des poids légers pour éviter de se blesser et se concentrer sur les détails de leur musculature.
Il y a aussi les pratiques dopantes qui tendent à véhiculer cette image d'un muscle gonflé, acquis vite et facilement. C'est une exagération. Il est vrai que la prise de stéroïdes facilite la prise de muscle mais ça ne remplace pas l'entraînement et la nutrition.
Pour conclure, on peut dire dire qu'il existe indubitablement une relation entre la force d'un muscle et son volume, mais que cette relation n'est pas linéaire (à la limite, ne retenez que ça). Un culturiste est donc, en règle générale, bien plus fort que la moyenne des sportifs. Les premières années, et surtout les premiers mois de pratique de la musculation se traduisent par un gain de force important, ensuite chacun oriente sa pratique selon ses objectifs. À contrario, un haltérophile de haut niveau, ou n'importe quel autre sportif de force, présentera un physique développé, avec des muscles hypertrophiés. Il n'aura peut-être pas un aspect aussi « découpé », question de priorité.
Avoir un corps d'apparence musclé, pour la plupart des gens, ce n'est pas si facile que ça. Si il existait une méthode où il suffirait de se faire remplir le muscle d'air comme on regonfle ses pneumatiques, les rues seraient remplies de chippendales.
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